9h00 aujourd'hui. C'est un cours de sport qui m'attend ce matin. Cours commun avec d'autres plus âgés. Comme si ça me faisait peur. J'avoue que ces derniers temps, je ne prêtais pas attention à personne, je ne faisais attention à personne, ni même aux choses autour de moi. Je m'enfermais dans le souvenir de Paige. Et je savais que ce n'était pas très bon. Mais j'avais pas envie de me défaire de son image, ni même de l'oublier. Trop de sentiments me partageaient en mille morceaux. Alors que je me préparais, je sortis des vestiaires. Il y avait beaucoup de plus âgés, les gens de ma classe n'étaient pas encore arrivés. J'observais les autres, restant dans mon coin. Je n'y prêtais pas vraiment d'intêrets. Je voulais attendre ma classe et restait avec, je m'en fichais bien des autres.

J'avais encore envie de courir pour m'échapper mentalement de ma prison. Je regardais le prof lui suppliant presque du regard pour qu'il me laisse courir, m'échauffer. Je m'approchais de lui et je lui demandais si je pouvais courir, car j'avais besoin de me défouler, encore. Il me donna la permission et je me mis alors à courir comme jamais. Je ne voulais pas qu'on puisse voir mes larmes à travers mes yeux. Je ne voulais pas voir l'image de Paige me hanter pour toujours. Et courir me faisait évacuer ce trop plein d'émotion dont je ne voulais pas. Et puis pour les autres, je m'en fichais de ce qu'ils pourraient penser de moi, j'étais le capitaine de l'équipe de basket, après tout. Alors que je courais, une nouvelle fois, je vis Paige souriante, comme j'adorais qu'elle me sourit. Mais très vite mon regard se porta sur une autre fille. Une que je n'avais jamais vu auparavant. C'était comme si je découvrais pour la première fois ce qu'une fille pouvait etre. Mais je cherchais l'image de Paige, que je ne voyais plus. Comme si elle m'avait montré le chemin vers cette autre fille.

Alors que je me rapprochais, son odeur de louve était de plus en plus forte. Elle était comme moi. Mon coeur ne fit qu'un bond dans ma poitrine. Je ne fis que la regarder, d'un air idiot, probablement, alors que je devais continuer de courir. Je crus même que j'allais trébucher car je ne pouvais détacher mon regard d'elle. Et pourtant, j'avais toujours Paige dans la tête, ce n'était pas parce que je ne faisais que la regarder, que ça signifiait quelque chose. Je ne pouvais pas retomber amoureux si facilement. C'était comme si je trahissais Paige et ça je ne le voulais pas. Je repris ma course et je chassais la fille de mon esprit. Bien sûr que peut être j'irais l'aborder. Mais je ne savais plus quoi penser. Au bout du troisième tour, je m'arrêtais. Non pas que j'étais essoufflé mais j'avais trop de pensées qui se bousculaient dans ma tête et je savais que je n'allais pas me contrôler. Je me cachais dans un recoin et j'essayais de me calmer. Je pouvais y arriver. Il fallait que je sois encore plus fort que je ne l'étais avant.

Je voulais rester dans ce recoin, pour tout oublier. Oublier que je devais continuer à vivre, oublier que j'étais à l'école et que je devais me contrôler. Oublier que je pouvais de nouveau être moi. Je fermais les yeux pour me concentrer. Je devais me focaliser sur ce que Peter m'avait appris pour me contrôler. L'odeur de la louve me parvint alors assez rapidement et lorsque j'ouvris les yeux, elle était là devant moi. J'étais totalement surpris qu'elle m'ait suivi et qu'elle soit si proche de moi comme si... comme si ça semblait tout à fait normal. Elle n'aurait pas été une fille, je l'aurais renvoyé promener comme je le faisais d'habitude. J'espérais juste que Paige ne m'en voudrait pas que je parle à une autre fille. Si peu de temps après qu'elle soit morte. Personne ne comprenait tout ce qu'il pouvait se passer dans ma tête, c'était pire qu'un film qui ne faisait que se répéter sans cesse, comme un disque rayé. Alors quoi lui dire? Oh ça va aller, je n'arrête juste pas de penser à mon ancienne petite amie que j'ai tué. Super comme entrée en matière. Au moins, elle était louve. Elle pourrait peut être ressentir tout ce que je ressentais. Alors que je réfléchissais à quoi je pourrais bien lui répondre, je dis alors :

"J'ai connu mieux... au fait je suis Derek Hale... et toi, tu es? "

C'était pitoyable mais c'était mon maximum. Je ne pouvais lui dire plus ou lui dire moins. Mais j'avais parlé. Un peu. J'avais réussi à parler à une autre fille, sans être méchant ou sans avoir peur de lui faire du mal. J'aurais pu lui rajouter qu'elle devait s'éloigner de moi, car sinon elle n'allait pas vivre longtemps mais je me retins. Et comme je ne voulais pas qu'elle voit mes yeux bleus, je réussis à contrôler mon loup et rester totalement humain. Elle avait naturellement les yeux bleus et je pouvais m'avouer qu'elle était jolie, probablement plus âgée que moi. Elle était peut être dans la classe de ma soeur. Là j'aurais voulu rentrer chez moi et ne pas suivre le cours de sport. Encore trop d'émotions qui se bousculaient dans ma tête. Pas sûr que j'allais me contrôler. Encore une fois. Alors je la regardais une nouvelle fois et je lançais :

"Tu devrais t'éloigner de moi.. je suis pas très fiable..et très dangereux pour les autres.... "

Je la regardais. Ses yeux bleus brillaient. Alors les miens se mirent à briller. Bleus aussi. Moi aussi j'étais comme elle. Et ce fut comme une gifle invisible qui me réveilla de ma torpeur. Bien sûr que je n'étais pas le seul loup à avoir les yeux bleus et cette fille, Luna n'avait pas l'air d'une meurtrière en série. A force de m'être enfermé dans mes souvenirs, j'en avais oublié de vivre, j'en avais oublié qu'il y en avait d'autre comme moi. Je la laissais faire, mais j'avais l'impression de trahir Paige. Mais c'était elle qui m'avait mené jusqu'à Luna. Tout se mélangeait dans ma tête. Je dis alors :

Toi aussi tu as les yeux bleus... Je sais que t'es pas dangereuse sinon tu m'aurais déjà attaqué... Moi je le suis mais on ne sait pas quand j'attaque...

C'était vrai. C'était ce dont je me persuadais depuis des mois. Je me relevais et je sentis que je devais m'éloigner. Pour ne pas lui faire du mal. Je me relevais, laissant le loup rentrer et je lançais:

"Je préfère rentrer chez moi... Je suis désolé... "

Je passais pour un associal mais tant pis. Je n'allais pas rester ici et la blesser sans le vouloir car je m'en voudrais. Même si c'était une louve et qu'elle saurait se défendre. Je courus jusqu'aux vestiaires et je me changeais. J'allais partir et fuir toute sorte de sociabilité. Ce n'était pas encore possible, ce n'était pas moi. Je pris mon sac de cours, et je me retournais une dernière fois. Peut être comme une envie qu'elle apparaisse. Peut être qu'on aurait pu sécher les cours ensemble. Mais c'était trop contradictoire. Je secouais la tête et je pris la direction de la sortie du lycée. Quand je fus en dehors du lycée, je pris la direction de la forêt. Je ne voulais même pas traîner en ville. Je voulais rien faire. Peut être à part penser à Paige. C'était comme si, encore une fois, je m'interdisais de vivre. De tourner la page. Je vivais; bloqué dans le passé. Je courais en direction de la forêt avant de trouver l'arbre dans lequel j'adorais me réfugier. J'en avais fait mon territoire privé. C'était un vieil arbre à semi couché ou je pouvais m'asseoir sans qu'un humain ordinaire ou un chasseur puisse me voir. Je restais là, sans bouger, à observer le ciel. Il fallait que je me vide l'esprit car j'avais trop d'émotion en moi.

Je sentis son odeur, proche de moi. Un sourire involontaire s'afficha sur mon visage. Mais je ne pouvais. Ou peut être que si finalement. Mais c'était beaucoup trop tôt pour que j'accepte quelqu'un à mes côtés de nouveau. Ce n'était pas possible. Mais en même temps, je la voulais à mes côtés. Compliqué? Oui, c'était le mot. Je regardais le ciel, comme si j'attendais une réponse mais rien ne vint. Je l'entendais m'appeler. Son odeur était de plus en plus proche et je ne savais pas quoi faire. Devais-je me montrer? Oui, je devais. Non je ne le devais pas. Mais cette forêt était dangereuse. Il y avait trop de chasseurs. Je tendis ma main et je lançais :

"Prend ma main et viens... Sinon tu vas attirer des chasseurs.."

Il fallait que j'arrête de repousser les gens mais d'un autre côté, je n'avais pas envie qu'on pense que j'arrêtais de penser à Paige. Tout se mélangeait dans ma tête, c'était à devenir fou. Au moins, je ne confondais pas Luna avec Paige mais tout de même, j'avais envie de lui dire que si elle tenait à la vie, il valait mieux qu'elle ne m'approche pas. D'un ton plus abrupt, je repris:

"Tu sais, je vois pas pourquoi tu t'accroches à l'idée que tu pourrais rester avec moi... Si tu tiens à la vie, tu ferais mieux de t'éloigner de moi à tout jamais... Sinon je te garantie pas une longue vie..."

Je ne voulais pas être aussi froid avec elle. J'avais juste pas envie de revivre une histoire comme Paige une nouvelle fois. Et ça, qui pourrait le comprendre? Personne. J'avais juste envie de la planter là et de partir. Mais je serais carrément désagréable et je ne voulais pas être comme ça. On aurait dit que j'étais un loup aigri. Que j'avais grandi avant l'heure et que je serais un associal toute ma vie. Je regardais Luna avant de dire :

"Excuse moi .. je ne veux pas finir comme ça, aigri.... je sais que je dois faire des efforts mais je sors d'une histoire douloureuse ... alors comprend que j'ai peur que ça se repète..."

Je n'avais pas besoin d'entrer dans les détails. Elle n'avait pas besoin de savoir, elle savait juste l'essentiel. Peut être qu'elle pourrait comprendre mes sauts d'humeurs, et mes craintes. C'était tout ce que je lui demandais. En quelque sorte. Du temps, simplement du temps. Que l'histoire Paige se cicatrise en moi. Et ce n'était pas en trois mois, que ça allait se faire.    

Alors qu'elle partait, je restais là, les yeux dans le vide. J'étais qu'un idiot. Un idiot resté coincé dans le passé. Un idiot qui faisait du mal à tout le monde. Je savais que Paige ne serait pas d'accord de me voir dans cet état. Encore perdu dans les souvenirs. Ce n'était pas moi. Ce n'était pas moi.

Tel un oiseau sur sa branche, je restais sans bouger. Elle partait. Tu la laisses partir? La seule fille qui a réussi à t'approcher et te parler? Ma conscience me hurlait dessus. Des fois on dirait ma mère, ça fait peur. Un hurlement me fit ramener à la réalité, au présent. Je sautais de l'arbre et je courus jusqu'au cri. L'horreur. Par ma faute, elle était prise dans un piège. Que faire? La rassurer? Lui dire que j'étais un parfait idiot? Non. Je laissais mon loup sortir et j'ouvrais le piège, puis je la tirais vers moi, avec précaution, ce n'est pas un objet, c'est une fille. Alors que je la regardais dans les yeux, des flashs me revinrent en mémoire. Je suis touché par la flèche de l'amour. Mais cet amour est interdit. Je me l'interdis. Pourtant elle était dans mes bras et en vie. Je n'avais pas besoin de la tuer, juste de la rassurer et de la soulager. Mais que faire? Où l'emmener? Chez moi? Non, trop de loups, et trop de questions par la suite. Je la ramenais dans mon arbre, je la gardais dans mes bras. Comment lui dire que j'étais désolé? Comment lui dire que c'était de ma faute? Car c'était de ma faute. Je fixais ses yeux bleus océans. Au moins, elle était totalement différente de Paige, c'était un bon point. Alors je pourrais faire un effort. Je dois le faire.

Je pris enfin la parole, je regardais Luna, et je regardais sa cheville. Ca allait guérir, on le savait tous les deux. Je pris sa main dans la mienne et je lançais:

"Je suis désolé... Je n'aurais pas du te rejeter... On aurait pu éviter ça... Je ne voulais pas te faire de mal... Mais c'est en te repoussant que je t'en fais... Alors si tu acceptes la compagnie d'un loup aigri comme moi.. Je veux bien rester à tes côtés... "

Voilà ma déclaration d'amitié était lancée. Je voulais juste qu'on soit amis. Peut être que j'arriverais enfin à me contrôler. Enfin j'arrêterais d'être ce type idiot qui se baladait avec un maillot de basket. Cet idiot qui était jaloux de sa soeur. Cet idiot qui en voulait à la terre entière.